Présentation d'une remarquable maquette aux 20 ans de la Pauline.

 

Un maquettiste passionné Jean-Luc Merck est venu  spécialement de l'Alsace à Dahouët pour examiner et photographier la Pauline pour en retranscrire tous les moindres détails sur sa fidèle maquette.

Cette maquette étant radio commandée le créateur  a tenu à nous la présenter en navigation aux abords  de la Pauline dans le bassin de Dahouët...

 



Il fut un temps ou...


En 1901, la Pauline d’Hypolyte GUINARD disposait du vent comme seule énergie de propulsion. Déjà de grands armateurs avaient installé des machines à vapeur sur leurs plus grands voiliers dans un souci de rendement, mais il faudra compter plusieurs décennies avant que disparaissent bisquines, lougres et autres chaloupes de nos côtes. Deux raisons expliquent cette résistance des bateaux traditionnels face aux tentations du progrès.

 La première tient à la perfection technique de gréements capables de pratiquer la pêche, de draguer les huîtres sauvages et de traîner le chalut à perche, dans les conditions propres à chaque baie mais aussi d’effectuer des navigations lointaines dans des conditions beaucoup plus extrêmes.


C’est ainsi que de septembre 1907 à juillet 1909 un petit Ketch de pêche français de 17 mètres seulement, le J.B. Charcot, permit aux deux frères Rallier du Baty et quatre hommes d’équipage de se rendre de Boulogne à Melbourne après avoir exploré Tristan da Cunha et une partie des îles Kerguelen. La péninsule Rallier du Baty à Kerguelen témoigne de l’importance de ce voyage pour notre connaissance des îles australes sub-antarctiques ainsi que des qualités exceptionnelles de ces vieux gréements.

La seconde tient à la maîtrise des manœuvres de ces voiliers par des marins formés selon des méthodes traditionnelles très anciennes.

Il ne faut pas oublier que ces liens étroits entre l’homme et le voilier de travail remontent à plusieurs milliers d’années d’héritages, d’expériences et d’échanges de savoir-faire entre les peuples. Ces techniques mises en oeuvre tout autour de la Bretagne ont bénéficié des influences multiples de navigateurs.

Les Phéniciens ont navigué tout autour de l’Europe et les Normands ont découvert Terre-Neuve et probablement l’Amérique bien avant Christophe Colomb.
Ces bateaux dont nous célébrons la beauté ont été conçus et fabriqués dans des chantiers dont certains ont acquis une renommée internationale. Une telle évolution des techniques et des pratiques humaines ne pouvait s’éteindre en quelques décennies sous l’impulsion du machinisme.

Ce sont les raisons pour lesquelles il ne faut pas perdre de vue que la Pauline, au moment de sa construction représentait ce qui se faisait de mieux : elle était dans le vent.


Le port de Dahouet vers 1910, au moment du départ des morutiers, la goélette de gauche est doublée en cuivre

Les quatre vies de la PAULINE


Destin original que celui de la Pauline: lancé le 4 juillet 1901 par un chantier de Kerity-Paimpol, ce petit lougre ponté de Dahouët de 5tx (long de 9.48 m pour une largeur de 3,45 m) fera le pilotage, le chalutage ou le cabotage, tantôt chez les « Brettes », tantôt chez les « Gallos », avant de disparaître…

 

 

Chez les Pouchots de Dahouët

 

En 1899, a 33 ans, Hippolyte Guinard devient le septième pilote-lamaneur de Dahouët, succédant à son oncle dont il reprend le lougre Saint-Sébastien.

Deux ans plus tard, il fait construire la Pauline (SB 737), sur lequel il naviguera, avec un matelot, jusqu’en 1910. Mais le métier de pilote est peu rémunérateur,  les tarifs n’ont pas changé depuis 1857 !  et  " Polyte " doit, comme ses prédécesseurs, compléter ses revenus en pratiquant le chalutage en zones réservées. Hippolyte Guinard acquiert un bateau à moteur en 1910, et revend alors son lougre. Si la mémoire populaire n’a pas tout à fait oublié cette période – quelques anciens racontent encore des histoires du vieux Dahouët qui n’intéressaient pas le beau monde de la proche station touristique du Val-André . Il ne restait plus de témoins directs du  " Batiau à Polyte " quand les enquêtes sur l’histoire du lougre ont été menées.

 

Chez les Gris d’Erquy

 

 

Les frères Pellois ramènent la Pauline à Erquy en 1910. C’est alors, se souvient Monsieur Le Rudulier, marin long-courrier,  " une des plus petites et des plus fines bisquines du port " . Les photos de l’époque montrent qu’on lui a laissé son gréement et son gui de flambart; elle est seulement re-peinte avec un liston plus étroit. Elle tient compagnie à un autre flambart construit en 1910, la Sarcelle (SB 32) à Pierre Névot. Les Pellois semblent avoir essayé de pratiquer le bornage en été et la petite pêche en hiver. Jean, le " matelot patron "  se trouve très vite avec un équipage réduit (six hommes la première année, dont un capitaine au cabotage, deux hommes la deuxième année). Il essaye alors de faire inscrire sa femme sur le rôle, mais elle est refusée, ne pouvant être embarquée comme matelot . La Pauline disparaît des rôles en 1914 pour n’y réapparaître qu'à sa vente, en 1917.

 

Chez les Brettes de Pleubian

 

Vendu le 6 septembre 1916 à Eugène Lamandé, de Larmor-Pleubian, le lougre est ré-immatriculé au quartier de Tréguier sous le numéro 693. Les rapports des gens de Dahouët avec les bretonnants de la côte d’Olva étaient très bons, surtout avec les Pleubiannais, qui fréquentaient beaucoup leur port. Ils venaient charger des patates, et emportaient aussi des pommes " et souvent des cuites ! " Nombre de bateaux Dahouëtins ont fini leur carrière à Larmor (Louis-Marie, Frère et Sœur, Audacieux) et bien des équipages ou des capitaines y étaient recrutés.

 

Du 9 février 1910 au 22 mai 1914, Eugène Lamandé prend un rôle au bornage dans une zone allant de Saint-Malo à Roscoff mais il tombe bientôt malade et meurt en 1918. Le 25 novembre 1919, son successeur, Joseph Le Tallec, fait de la Pauline un goémonier. Comme a l’habitude dans cette région, le lougre est regréé en bocq à corne. Monsieur Croajou, de Pleubian, se souvient avoir navigué sur le bateau de son cousin Job : fin, élégant, il manœuvrait bien.

Mais la Pauline ayant trop de tirant d’eau pour les passes de Larmor, elle a du mal à rejoindre l’usine par grande marée. Aussi décidait-on d’enlever et scier les galbords et de rectifier les varangues pour remonter la quille. On agrandit également le panneau de cale pour charger le goémon. « On évitait une gîte trop forte à l’échouage de ce bateau profond, précise Monsieur Croajou, en l’équipant d’un pilhost »‘. Ce billot de bois, retenu par une chaîne en bas sous la quille et par un bout sur le plat-bord, portait sur le flour (bouchain) ou les flourennou (bordés d’échouage). En 1923, l’usine de traitement de Penlann à Larmor achète une demi-douzaine de bocqs, dont la Pauline. Celle-ci fait le goémon jusqu’en 1930 environ. Elle est mise au plain en 1931, lors de la cessation d’activité de la société due à la concurrence de l’iode et des nitrates du Chili.

Selon Monsieur Kerleau de Lanmodez, des goémoniers de la Rivière (le Trieux) l’ont ensuite récupérée. Elle aurait fait naufrage à pleine charge près de l’ile Maudez vers 1933 en talonnant une roche. C’en est fini des trois carrières de la chaloupe de Dahouët…

 

Mais son sosie la ressuscitera pour une quatrième vie soixante ans plus tard, renouvelant encore le type d’activité pratiqué par le voilier !

 

La Pauline actuelle

 

Pauline est remarquable par son gréement impressionnant par rapport à sa longueur. Avec le bout-dehors et le gui, la longueur hors-tout est presque égale au double de la longueur de la coque !

 

  • longueur de la coque : 9,48 m
    longueur à la flottaison : 8,80 m
    longueur hors tout : 16,30 m
  • maître beau (largeur) : 3,45 m
  • tirant d’eau : 1,80 m
  • déplacement : 12T
  • type de gréement : lougre flambard
  • surface totale des 4 voiles : 95 m2 (foc, misaine, grand voile, hunier)
  • construction : 1991 par le chantier d’Yvon Clochet à Plouguiel (coque en chêne, pont en pin)

 

Plans : François Vivier architecte naval à Saint-Nazaire https://www.vivierboats.com/la-pauline-dahouet/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la chanson de la Pauline


 

Chanson « la Pauline »

 

(paroles et musique d’Hervé Guillemer* 1991)

 

 

Ho la Pauline

 C’est une chaloupe

 Sa carène fine

 Est parfumée d’étoupe

 Ho la Pauline

 C’est une chaloupe

 Toute vêtue de bois

 Comme au temps des calfats

 Dans l’été mil neuf cent quatre-vingt onze

 Dedans le port du Dahouët

 Elle est revenue frapper les amarres

 Le long des quais ah des terres-neuvas

 Le premier home à lui tenir la barre

 Il s’appelait Hipolyte Guinard

 Propriétaire d’une bien belle coque noire

 Grée dit-on en lougre flambart

 Neuf ans de chalutage à la côte

 Obligations des pilotes de port

 Le modernisme voilà la faute

 L’a obligé à changer de corps mort

 Après la guerre celle qu’on appelait la grande

 Elle est venue à Larmor Pleubian

 A un matelot qui s’appelait Lamande

 Il l’a gréée pour la campagne goémonière

 A vous autres amis de la Pauline

 Je voudrais que les vents vous soient portants

 Que le bateau qui est ici navigue

 Merci à vous Monsieur Clochet

 

 

Cette chanson figure sur un CD de chants de marins en vente à la boutique

 

* Hervé Guillemer membre actif du grand Léjon et auteur d’un recueil « marées de mots »

 

nous a quitté pour le grand banc le 22 novembre 2015.